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Management et valeur d'entreprise

Vendredi 22 octobre 2021 à 17h20 par LOGION FINANCE

1. Le constat

A des fins d’illustration, nous allons évoquer un cas récent de rachat par des investisseurs financiers d’une entreprise de services B to B très rentable affichant un taux de croissance moyen de ses revenus des trois dernières années de 16% et de 34% de son résultat opérationnel.
Le prix de cession (valeur d’entreprise) de 13 M€ représentait un multiple de 6.5 fois l’EBITDA du dernier exercice et 2.5 fois le chiffre d’affaires. Le montage de l’opération inclus la levée d’une dette senior importante.

Le dirigeant historique devant partir à l’issue d’une courte période d’accompagnement, le processus de recrutement d’un nouveau dirigeant est engagé à la réalisation de la transaction.
Quelques mois plus tard et après le départ du responsable d’une branche d’activité, on assiste à une dégradation alarmante de la rentabilité et des tensions de trésorerie surviennent ; les cash flows dégagés sont insuffisants pour rembourser la dette.

Ce genre de situation ne constitue pas un cas isolé.

De manière récurrente, on observe que le risque d’attrition de la rentabilité attaché au départ du dirigeant, à des membres de l’équipe de direction ou à la capacité d’un nouveau manager à maintenir le niveau de performance dégagé n’est pas suffisamment retenu dans la détermination du prix.

Dans notre cas, si ce risque avait été pris en compte, la valeur aurait subi une décote de l’ordre de 20% reflétant la corrélation existante entre la valeur intrinsèque de l’entreprise et la présence des principaux responsables de la production des résultats

Dans la PME, l’aléa du recrutement d’un dirigeant de substitution ne doit pas être considéré comme un problème mineur. Il représente un véritable risque, cette incertitude entrainant une majoration du coût du capital.


2. Les enjeux

Un repreneur financier cherche à sécuriser son investissement et doit en réduire les risques.
Dans la cartographie des risques, la taille de l’entreprise occupe une place particulière car elle présente un facteur de fragilité certain.

Dans les grandes firmes comptant plusieurs centaines voire milliers de salariés compte tenu de l’étendue de leurs activités, le problème ne se pose pas. Il en est autrement dans les PME opérant avec un effectif de moins d’une centaine d’employés et ne disposant donc pas de moyens humains et matériels pour adopter le même type d’organisation opérationnelle.

De ce constat nous pouvons tirer plusieurs observations :

- Les organes de direction d’une PME dont la valeur d’entreprise est comprise entre 5 et 20 M€, se limitent le plus souvent à l’actionnaire dirigeant accompagné d’un nombre restreint de cadres clés en charge du pilotage des fonctions stratégiques (commerciale, industrielle, R&D) et des fonctions support (administration- finance, RH).
Certains d’entre eux le dirigeant y compris, peuvent d’ailleurs exercer individuellement plusieurs de ses fonctions. Cette situation a pour effet positif d’élever le niveau de productivité de l’organisation mais, à contrario, d’accroitre le risque de dépendance et la pérennité de la société à la présence durable de ces hommes clés dans le temps.

- La bonne marche opérationnelle est étroitement dépendante de la présence du dirigeant et repose sur les compétences de ces cadres clés expérimentés porteurs des savoir-faire et fortement impliqués.

- Lorsque la performance économique (taux de croissance des revenus et de la rentabilité opérationnelle) affichée est sensiblement supérieure à celle du secteur, cela témoigne généralement de la qualité du management, de l’agilité des équipes et de l’efficience de l’organisation. Il est donc pour un repreneur d’autant plus difficile d’imaginer mieux faire.

- Le départ du dirigeant à l’issue de la période de transition post cession ou celui d’un cadre clé provoquera mécaniquement une transformation de l’organisation (recherche d’un nouveau dirigeant si le poste ne peut être pourvu en interne, aléas attachés à la contrainte d’un recrutement externe (délai de réalisation du processus, période ‘’d’adaptation’’ et capacité d’action du nouveau manager, …) .

En pratique ces risques opérationnels peuvent entrainent une dégradation rapide de la performance vont peser à terme sur la motivation des équipes.

De plus, dans le cas d’acquisitions effectuées à l’aide de montages financiers utilisant l’effet de levier de l’endettement ; les conséquences négatives (excès d’endettement, insuffisance de cash-flows pour rembourser les échéances) peuvent être préjudiciables.

Pour un acquéreur financier, l’enjeu est toujours de s’assurer de l’adhésion, du management à son projet de la reprise et de sa motivation à poursuivre sa tâche.

Le plan de développement prévisionnel fixant la trajectoire de croissance ambitionnée dépendra du maintien du niveau de productivité des équipes et des avantages concurrentiels différenciants formant la création de valeur.

L’aversion à ce type de risque est manifeste chez les investisseurs financiers. En privilégiant les opérations de LBO (reprise avec effet de levier de la société cible par ses cadres dirigeants), ils cherchent avant tout à établir des relations de confiance avec l’équipe de management pour accompagner la croissance des entreprises tout en sécurisant du mieux possible leur investissement.

Inversement, une opération de rachat organisée autour de managers extérieurs présentera toujours un profil de risque plus élevé et conduira l’investisseur à appliquer une décôte sur le multiple de valorisation (ou une hausse du taux d’actualisation).
Cela explique pourquoi la valorisation d’une entreprise reste étroitement corrélée à la valeur de son équipe de management.


3. Les solutions

Comme nous venons de le voir le prix de vente possible d’une entreprise est très largement liée à la qualité de l’équipe de management qui va rester en place. Il est donc nécessaire d’incorporer au processus de vente une phase d’identification et d’évaluation de l’équipe qui pourrait rester et diriger l’entreprise avec de nouveaux actionnaires.

Dans une PME ou une ETI l’identification est rarement un problème compliqué car les équipes sont d’une taille réduite. Par contre, la démarche d’évaluation des équipes qui pourraient conduire l’entreprise doit être un processus extrêmement structuré.

Le premier obstacle est bien souvent lié à la confidentialité de l’opération. Beaucoup d’actionnaires ont pour habitude de n’informer leur équipe du processus de vente que lorsque celui-ci est pratiquement terminé. Nous pensons que c’est une erreur. Identifier rapidement les personnes clés, les engager dans le processus et les faire éventuellement participer en capital à l’opération de transmission nous semble souvent indispensable lorsque les acquéreurs ne disposent pas de leur propre équipe de directions.

Il est donc nécessaire de procéder à une évaluation de l’équipe en place. Cette évaluation porte sur deux aspects :

- les éléments concernant les aptitudes logiques et les qualités relationnelles des cadres en place.

- Les compétences acquises en termes de méthodes de travail sur les fonctions clés qui les concernent.

Le premier aspect est souvent traité sous forme d’entretiens individuels. Malheureusement toutes les études réalisées depuis de longues années sur le lien entre les performances et les résultats des entretiens individuels non structurés montrent que sur des dizaines de milliers d’évaluations la corrélation entre l’impression dégagée en entretiens et la performance effective est pratiquement nulle.

Malgré cela beaucoup d’évaluateurs continuent à utiliser la technique de l’entretien non structuré. Il est probable que la véritable raison tient au caractère simpliste de la méthode. Les statistiques effectuées dans tous les pays du monde ont montré que les meilleurs prédicteurs dans le domaine de la capacité de raisonnement et de la qualité relationnelle sont les tests bien calibrés qui éliminent le biais de l’évaluateur.

Le deuxième aspect qui concerne les méthodes de travail est tout aussi important. En effet, on constate fréquemment que dans les PME et ETI françaises l’encadrement fait une très longue carrière au sein de la même entreprise.
Le côté positif est bien connu : une bonne connaissance de la culture interne et des hommes de l’entreprise ainsi que des clients et des fournisseurs. Le côté négatif est moins souvent perçu.

Dans un univers où les méthodes dans tous les domaines de l’entreprise évoluent en permanence, on constate fréquemment un retard important dans l’adoption des meilleures pratiques utilisées par les firmes de taille plus importante.

Toutes les fonctions peuvent alors être impactées :

- la démarche marketing et commerciale qui est généralement empirique et n’utilise pas les outils digitaux disponibles à l’heure actuelle

- les techniques d’organisation de la production qui n’ont pas évolué,

- les outils de pilotage qui restent concentrés sur des indicateurs financiers sans se préoccuper des indicateurs opérationnels qui permettraient d’améliorer la productivité.

Il est donc indispensable d’examiner, dans cette phase qui précède la mise en vente de l’entreprise, l’écart existant entre les méthodes pratiquées et celles qui devraient l’être afin d’établir un plan de mise à niveau qui permettrait de réduire le risque pris par l’acquéreur.


4. Conclusion

Au final, force est de constater que lorsque cette approche est appliquée de façon systématique on observe une bien meilleure valorisation de l’entreprise.
Il serait donc utile que les conseils qui accompagnent les actionnaires dans leur démarche de cession la mettent en œuvre de façon plus systématique.

Par :

Pierre SIAMER : Associé-gérant de LOGION FINANCE, Fusions-acquisitions & Evaluation d’entreprises – Expert financier
psiamer@logionfinance.com

Jean-François PANSARD : dirigeant de PANSARD & Associés Evaluation - Restructuration d'entreprise et conduite de changement - Président de la commission Evaluation de la CCEF
jfpansard@excom59.com

Pour en savoir plus : http://www.logionfinance.com
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