
Mardi 18 Mars 2014 à 14h15
La dernière étude BPCE contredit une nouvelle fois les chiffres de Benoit HAMON sur la cession d'entreprise
Tout le monde sait que les sondages sont à manier avec une extrême prudence… S'ils reflètent souvent des tendances avérées, ils peuvent aussi parfois comporter des biais et donner finalement une image bien différente de la réalité. Alain TOURDJMAN et Thomas LE DRET, les auteurs des études BPCE sur la transmission des PME et ETI de 10 à 5000 salariés, l'ont bien compris et se sont ainsi fixés comme objectif depuis quelques années de comprendre la cession d'entreprise, non pas en extrapolant des échantillons de sociétés ou de transactions, mais en étudiant de la façon la plus exhaustive possible l'ensemble des PME françaises. Leur méthodologie est aussi simple à comprendre qu'elle semble complexe à mettre en œuvre : toute société française est identifiée par son numéro SIREN, identifiant unique fourni par l'INSEE. Ils ont donc identifié pour celles de plus de 10 salariés, tous les événements intervenus durant l'année étudiée afin de comprendre par exemple si une cession, un changement d'actionnaire ou liquidation judiciaire avait eu lieu. Les résultats des études de l'Observatoire BPCE sont ainsi particulièrement fiables car ils ne sont pas le fruit d'extrapolations statistiques, mais bien d'un dénombrement précis d'événements avérés pour la totalité des sociétés étudiées. 3ème étude de rang en quatre ans sur la transmission d'entreprise, FUSACQ fait le point sur ce qu'il faut retenir de cette édition 2014 en donnant notamment la parole à son auteur Alain TOURDJMAN. Confirmation des grandes tendances des transmissions d'entreprise en France Les cessions d'entreprises restent dynamiques et l'âge du dirigeant n'est pas le facteur déterminant Première confirmation, les cessions d'entreprises restent dynamiques en France et la fin d'activité professionnelle ne constitue pas le facteur principal des cessions de PME en France. Alain TOURDJMAN : « Environ 7% des entreprises de plus de 10 salariés font l'objet d'une cession-transmission chaque année en France, ce qui représente un nombre tout à fait significatif et concerne 1,3 millions de salariés. L'étude 2014 valide les grands enseignements des années précédentes et notamment que la taille des entreprises reste la variable prépondérante dans les cessions. Contrairement aux idées reçues, l'âge n'est pas le critère déterminant et plus de la moitié des opérations se font avant 55 ans.» Ce chiffre est d'ailleurs à mettre en rapport avec les motivations de cession constatées sur FUSACQ où seuls 41% des cédants indiquent vendre pour cause de départ à la retraite. Cette constatation force notamment à s'interroger sur les estimations du nombre d'entreprises à vendre dans les années à venir. Elles sont en effet généralement basées sur les sociétés dont les dirigeants ont plus de 55 ou 60 ans et seraient donc vendeurs à court terme. Néanmoins, si l'âge n'est pas le facteur déterminant des cessions de PME, l'étude BPCE nous alerte à nouveau sur le vieillissement régulier des dirigeants. Alain TOURDJMAN : « Le vieillissement des dirigeants est sensible et ne se dément pas depuis 2005. Rien que sur les 3 dernières années, on est passé de 17,2% de chefs d'entreprise de plus de 60 ans à 19,5%. La proportion de ceux de plus de 65 ans est quant à elle passée de 6,1% à 7,1% en seulement 2 ans. Même si l'allongement de l'espérance de vie et la volonté de rester aux commandes plus tardivement peuvent être évoqués, ces chiffres mettent sans doute en avant la difficulté à trouver le bon repreneur pour les cédants âgés. Le fait que les départements français où les dirigeants sont les plus âgés soient généralement ceux où les taux de cession sont les plus faibles semble également confirmer cette hypothèse. » La transmission familiale confirme qu'elle n'est pas un épiphénomène Contrairement à une autre idée reçue, les transmissions familiales françaises n'ont rien à envier à celles de leurs homologues italiens ou allemands. Mieux, la faible fiabilité des statistiques des autres pays européens peut même laisser espérer que la France est en fait un bon élève en la matière. Alain TOURDJMAN : « La transmission familiale est loin d'être marginale en France puisqu'elle concerne un quart des opérations lorsque le cédant a plus de 60 ans ! » 2355 transmissions familiales ont ainsi pu être observées en 2012, représentant plus de 15% du total des cessions-transmissions et jusqu'à 24% des opérations de cession des PME et ETI après 60 ans. Les sociétés en bonne santé ne meurent jamais... Non, ce n'est pas le titre du nouveau James Bond, mais bien la confirmation des précédentes études qui indiquaient que seules quelques centaines de PME, à priori en bonne santé, disparaitraient chaque année en France. Afin de mieux appréhender ce phénomène, la BPCE a ainsi cherché à comprendre l'évolution dans le temps des sociétés qui font, à priori en année N, l'objet d'une disparition non judiciaire. Alain TOURDJMAN : « Notre méthodologie a été améliorée pour mieux comprendre les disparitions non judiciaires d'entreprises. Nous avons ainsi pu constater que les sociétés qui disparaissent sont fondamentalement des entreprises en mauvaise santé, qu'elles fassent l'objet d'une liquidation judiciaire ou non. Nous avons en effet tenté d'analyser ce qui se passait les années précédentes pour ces entreprises. Il s'est avéré qu'une grande partie de ces sociétés avait fait l'objet soit d'une cession, soit d'une liquidation judiciaire, mais n'avait pas encore été radiée des listes par l'INSEE. En comparant les événements sur plusieurs années, cela nous a permis de nous rapprocher encore plus de la réalité de ces disparitions. De plus, en regardant sur une période de 5 ans, nous nous sommes aperçus que le niveau de risque de ces sociétés était non seulement très élevé en année N – plus de 70% présentant un risque élevé ou très élevé – mais que plus de 50% d'entre elles présentaient déjà un risque élevé ou très élevé 5 ans auparavant. » L'étude BPCE 2014 ne relève ainsi que 301 sociétés pour 2012, qui auraient disparu, alors qu'à priori en bonne santé. Rien n'indique néanmoins que ces sociétés n'ont pas connu un accident de parcours en année N, les mettant dans une situation inextricable pour la continuité de leur activité, le dirigeant choisissant néanmoins une liquidation amiable plutôt que judiciaire. Alain TOURDJMAN : « Peut-être reste-t-il d'ailleurs encore parmi ces 301, des sociétés ayant fait l'objet d'un événement en année N-1 et qui n'aurait pas été remonté par l'INSEE. A ce stade, nous n'avons pas une connaissance absolue de ce qui a pu provoquer leur disparition. Ce chiffrage constitue donc un maximum car, au-delà de l'analyse statistique générale, nul doute qu'une approche plus qualitative, au cas par cas, permettrait de mettre en évidence des sources d'écart supplémentaires ( événement non identifié ou mal classifié dans nos bases, décès ou accidents, transferts…). » En tout état de cause, ces chiffres contredisent une nouvelle fois ceux de Benoit HAMON qui affirme, pour justifier les articles transmission d'entreprises de la loi Economie Sociale et Solidaire, que des milliers d'entreprises en bonne santé disparaissent chaque année en France. Le 25 juillet 2013, le document « Le Point sur… » publié par le gouvernement indiquait notamment que 2383 sociétés de plus de 10 salariés en bonne santé avaient disparu en 2011… Des dynamiques propres à chaque secteur et chaque département, focus sur les DOM Comprendre les dynamiques des cessions d'entreprises par secteur d'activité Les pouvoirs publics seront par contre bien avisés de lire avec attention le chapitre sur les cessions et disparitions d'entreprises observées en fonction du secteur d'activité. En effet, les taux de création, de cession, et de disparition des entreprises sont autant d'indicateurs à prendre en compte pour mesurer le dynamisme d'un secteur et le renouvellement du capital productif français. On peut notamment aisément comprendre qu'un taux de disparition élevé fragilisera un secteur alors qu'un taux de création et de cession important marquera au contraire le renouvellement de nos PME. Alain TOURDJMAN : « Le modèle le plus porteur est sans doute celui présentant un fort taux de cession et un faible taux de disparition. Ainsi, le capital global créé par les entreprises, leur savoir-faire en quelque sorte, ne disparait pas. Il est rassurant de constater que l'industrie manufacturière se situe sur un marché où le capital productif est pour l'essentiel cédé. Le savoir-faire industriel français ne semble donc pas disparaître et, pour l'essentiel, il est transmis ! C'est cependant moins vrai de certains sous-secteurs comme le travail du bois ou l'habillement. D'autres secteurs comme l'enseignement-santé-action sociale ou le BTP souffrent davantage, même si, là aussi, il convient de distinguer le génie civil de la construction. D'ailleurs, le fait qu'une petite entreprise de bâtiment disparaisse n'est pas nécessairement problématique au niveau macroéconomique si son capital et son savoir-faire sont aisément reproductibles. Les sociétés positionnées sur des activités juridiques et comptables sont également intéressantes à étudier car on observe des taux de disparition et de cession très faibles. Le statut d'expert et d'homme clé du dirigeant rend probablement la cession et l'estimation de la valeur plus difficiles pour des raisons aussi bien techniques qu'humaines, y compris pour les entreprises qui affichent une taille significative. » La cession-transmission des PME dans les Départements d'Outre-Mer Les travaux effectués pour l'étude BPCE pouvant se décliner par région et par département, l'équipe d'Alain TOURDJMAN nous propose cette année un zoom sur la transmission d'entreprise dans les DOM pour tenter d'en comprendre les spécificités. Alain TOURDJMAN : « La situation des départements en termes de cession d'entreprise n'est pas la simple résultante des critères d'âge, de taille et de secteurs d'activité. Il semblait ainsi fondé de faire des analyses spécifiquement géographiques pour montrer les fortes disparités qui existent entre les départements, et tout particulièrement pour ceux situés en Outre-Mer. » Une des particularités des DOM relevée par l'étude est que le taux de cession n'augmente quasiment pas avec l'âge du dirigeant. De plus l'âge moyen des dirigeants est plus important qu'en métropole puisque, au-delà de 20 salariés, 29% des chefs d'entreprise ont plus de 60 ans, alors même qu'ils n'étaient que 16% dans ce cas il y a 7 ans. Alain TOURDJMAN : « L'analyse géographique permet une compréhension spécifique de la cession d'entreprise dans les DOM. On constate notamment que le faible taux de transmission fait peser un risque à terme sur le tissu productif de ces départements. Comme par ailleurs les grandes entreprises sont peu implantées, le rôle de la PME régionale dans l'emploi est primordial, notamment pour lutter contre le très fort taux de chômage. » Rappelons en effet que ces départements affichent une densité de petites entreprises supérieure à la moyenne nationale, notamment par le caractère souvent insulaire des marchés auxquels elles s'adressent. Leur situation financière est également dans l'ensemble beaucoup plus fragile et les aspects sociaux semblent jouer un rôle plus important qu'en métropole. Faire le deuil de son entreprise serait un pas plus difficile à franchir pour les dirigeants de ces départements. Alain TOURDJMAN : « Même en tenant compte des créations et de la croissance des entreprises, le tissu de PME se renouvelle beaucoup moins qu'en métropole. Ces départements encourent donc un double risque : celui d'un ralentissement du dynamisme des PME avec les effets du vieillissement des dirigeants mais aussi celui d'un effet plus global sur leur économie compte tenu du rôle clef des PME dans l'emploi et la croissance eu égard à la quasi-absence des grandes entreprises dans la plupart des secteurs. » Certaines entreprises situées dans les DOM pourraient-elles disparaître à moyen terme faute de reprise ? C'est en tout cas une question qu'il convient de se poser et qui ne manquera pas d'alimenter le débat actuel pour savoir comment aider les dirigeants, et pas seulement ceux des DOM, à transmettre leur entreprise dans de bonnes conditions. Damien NOEL, FUSACQ Consultez l'espace dédié à l'étude 2014 Téléchargez l'étude |