
Lundi 03 Mars 2025 à 14h27 par EVALTEAM
Comprendre les enjeux de la relation manageur – Fonds d'investissement et leurs impacts sur le LBO
Comprendre les enjeux de la relation manageur – fonds d’investissement et leurs impacts sur le LBO
Interview de Dr Martine Story et Pr Olivier Meier dans Fusions et Acquisitions Magazine
Dans un LBO, quels sont les principaux enjeux propres à chacune des parties, à savoir le manageur et le fonds d’investissement ?
Martine Story : Lors d’une opération de LBO qui prévoit la présence d’un fonds d’investissement, les enjeux propres au manageur et au fonds d’investissement sont parfois antagonistes, dans une configuration particulière où l’entreprise est elle-même mise sous tension par le mécanisme spécifique du LBO, et notamment par le poids de la dette. La recherche académique parle d’ailleurs du « rôle disciplinaire de la dette ». Ainsi, là où le manager aspire à une large autonomie managériale, le fonds d’investissement, surtout s’il est actionnaire majoritaire, est soucieux de mettre en place une gouvernance qui assure ses intérêts en tant qu’actionnaire et qui garantit également les intérêts financiers de ses souscripteurs. Par ailleurs, alors que le manageur inscrit le développement de l’entreprise selon une stratégie long terme, le fonds d’investissement a, quant à lui, un objectif de création de valeur dans un horizon de temps resserré, qui l’amène classiquement à réaliser la sortie de l’investissement dans un délai de 3 à 5 ans. De ces divergences d’intérêts peuvent naître des tensions.
Olivier Meier :
Les enjeux diffèrent fondamentalement en raison de la temporalité et des objectifs de chaque partie. Là où le manager est souvent focalisé sur la gestion opérationnelle et la croissance de l’entreprise sur le long terme, le fonds d’investissement cherche un retour sur investissement rapide, généralement dans un horizon de 3 à 5 ans. Cette divergence se traduit par des tensions autour de la prise de décision, notamment en ce qui concerne les investissements stratégiques. Néanmoins, il est possible d'aligner ces objectifs via la mise en place d'un management package adapté, intégrant des critères de performance à court terme pour satisfaire le fonds, tout en préservant une vision à long terme pour le manager. La clé réside dans la flexibilité de la structure et la capacité à anticiper les évolutions du marché pour répondre aux impératifs financiers du fonds tout en soutenant une stratégie de développement durable.
A quel moment du deal émergent ces tensions et sur quels types de sujets ?
Martine Story : Les principales tensions susceptibles d’apparaitre dans la relation manageur – fonds d’investissement apparaissent principalement à deux moments clés du deal : en amont et en aval de l’opération. Il s’agit de séquences particulières où les intérêts du manageur et du fonds ne sont pas nécessairement alignés. En amont du deal, le futur manageur a parfois une méconnaissance du fonctionnement et des attentes des fonds de Private Equity. A cela, il faut ajouter qu’il ne partage toujours, avec ses futurs partenaires financiers, la même vision de la valorisation de l’entreprise, de la négociation avec le cédant et du montage financier envisagé. En effet, sous la pression du cédant, le manageur est parfois tenté d’accepter des compromis qu’un fonds d’investissement, investisseur professionnel, n'est pas prêt à accepter. D’autres sujets de tension peuvent également émerger avant le closing. Ils concernent notamment la négociation du management package et du pacte d’actionnaires. Sur ces sujets juridiques, les intérêts du futur manageur et du fonds sont clairement orthogonaux.
En aval du deal, au moment du débouclage de l’opération, on assiste parfois à un nouveau désalignement des intérêts qui peuvent déboucher sur une résurgence des tensions. C’est typiquement le cas lorsque le fonds d’investissement souhaite maximiser la valorisation de l’entreprise, alors que le manageur est désireux de racheter les parts de son associé ou de réaliser un LBO secondaire. Il cherche alors à obtenir une valorisation la plus basse possible.
Olivier Meier :
Une fois les principales difficultés levées et le deal finalisé, il est crucial que les intérêts du manageur et du fonds d’investissement s’alignent pour piloter efficacement l’entreprise et générer de la valeur. Cet alignement est généralement maintenu tant que le business plan (BP) est respecté, puisque les deux parties partagent alors une vision commune du développement de l’entreprise. Cependant, les tensions peuvent réapparaître à deux moments
clés : en amont, lors de la négociation des termes de l'opération, notamment autour de la valorisation de l’entreprise et de la structure de la dette. Le manageur tend à privilégier un effet de levier élevé pour maximiser sa présence au capital, ce qui peut inquiéter le fonds d’investissement qui craint une surcharge de la dette. En aval, lors de la sortie du LBO, les divergences peuvent ressurgir autour de la valorisation de l’entreprise, surtout si le manageur souhaite racheter les parts du fonds ou procéder à un secondary buyout. Dans ce contexte, il est essentiel d’avoir défini dès le départ des mécanismes de sortie clairs et des processus de revalorisation basés sur des indicateurs partagés. Ces dispositifs permettent d’éviter des désalignements prolongés qui pourraient nuire à la performance globale de l’opération.
Quelles sont les conséquences de ces tensions et comment y faire face ?
Martine Story : Les tensions qui émergent entre manageur et fonds d’investissement peuvent nuire à la création de valeur d’une opération de LBO. C’est notamment le cas lorsque les tensions entre les acteurs, deviennent saillantes et qu’elles émergent au grand jour. Les énergies ne sont alors plus tournées vers le développement de l’entreprise et sa réussite mais vers la gestion des conflits. Pour autant, ces tensions n’ont pas un caractère inéluctable. Elles peuvent être anticipées, contenues et désamorcées. La question centrale de la relation repose sur la confiance et la transparence entre des parties qui ne se connaissaient pas nécessairement bien, qui n’ont pas les mêmes intérêts, et qui décident de se lancer ensemble dans une aventure entrepreneuriale qui comporte d’importants enjeux financiers. Cette confiance ne se décrète pas, elle se construit jour après jour selon un processus incrémental. C’est grâce à la confiance établie que manageur et fonds d’investissement peuvent pallier, de concert et en bonne intelligence, aux turbulences de la vie des affaires, lorsque par exemple, pour des raisons exogènes, le business plan n’est pas respecté. C’est assurément la confiance et la qualité de la relation humaine qui permet de trouver des solutions respectueuses des intérêts des deux parties.
Olivier Meier : Les tensions entre le manageur et le fonds d’investissement peuvent effectivement avoir un impact sur la performance de l’entreprise si elles ne sont pas gérées de manière proactive. Une mauvaise gestion des divergences stratégiques ou financières peut entraîner un ralentissement des prises de décision, une perte de focus opérationnel et, au pire, une destruction de valeur. C’est pourquoi la gouvernance joue un rôle essentiel dans la réussite d’un LBO. Au niveau opérationnel, il importe de définir avec précision les rôles et responsabilités au sein du comité de pilotage, qui est souvent l'organe central de gouvernance entre le fonds et l’équipe managériale. Cela permet de maintenir un équilibre entre le contrôle exercé par le fonds, qui souhaite garantir la protection de ses investissements, et l’autonomie opérationnelle nécessaire pour permettre au manageur de piloter efficacement l’entreprise au quotidien. L'un des enjeux majeurs est d'éviter que le fonds ne s’immisce dans la gestion quotidienne, tout en lui permettant d’intervenir de manière ciblée sur les décisions stratégiques ou financières importantes. Pour assurer cet équilibre, des outils de reporting réguliers sont indispensables. Ils doivent être construits autour de KPIs (Key Performance Indicators) qui sont non seulement précis et partagés par les deux parties, mais aussi directement reliés aux objectifs stratégiques du business plan. Ces indicateurs peuvent inclure des mesures financières mais aussi des indicateurs opérationnels liés à la croissance, à la satisfaction clients, ou à la gestion des talents. Ce reporting doit être transparent et communiqué de manière continue, permettant ainsi de réajuster les priorités en temps réel, selon les résultats obtenus. Enfin, au-delà des aspects purement techniques et financiers, la dimension humaine ne doit pas être négligée. Une relation de confiance doit être construite entre le fonds et le manageur, car un LBO est avant tout un partenariat qui repose sur la transparence, mais aussi sur la flexibilité.
Lien vers l'article :
https://fusions-acquisitions.info/2025/02/01/manager-investissement-lbo/
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