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Qu'est-ce qu'une trésorerie " excédentaire " et comment s'en servir en cas de reprise ?

par Gilles Lecointre / EYROLLES

Quand tout va bien… que l’économie fonctionne normalement, que l’entreprise est prospère, que les banques sont confiantes, que l’avenir à court terme n’est pas entaché de trop d’incertitudes, que le montage financier n’est pas trop tendu….. Alors on peut s’intéresser à une façon un peu risquée de financer une reprise.

La technique consiste à utiliser une partie de la trésorerie de l’entreprise afin de financer l’acquisition envisagée.

Mais quelle partie de la trésorerie ? La totalité du disponible, voire davantage ( si on anticipe par exemple des recettes futures en les factorisant à la banque moyennant un intérêt lié au risque de l’opération, en cédant des actifs non nécessaires), ou bien une petite partie ?

Je tiens à souligner d’abord que, quelle que soit la partie prélevée, il y a un certain danger à « se servir » de la « cassette » de l’entreprise pour faciliter le financement d’une acquisition. Et même si c’est parfaitement possible et admis au plan juridique, on pourrait dire que cela s’apparente un peu, sur le principe, à un abus de bien social… !

Mais, pour quelles raisons économiques est-ce également risqué ?

La trésorerie est un indicateur instable de la santé financière à court terme de l’entreprise. Cet indicateur est constitué comptablement de deux éléments, ce qu’on appelle les «  liquidités », le disponible (les comptes bancaires) d’une part et d’autre part, le poste « VMP », valeurs mobilières de placement.

De façon intuitive on conçoit bien qu’une société ne place sa trésorerie disponible en VMP que lorsqu’elle n’en a pas immédiatement besoin pour régler ses dettes… La présence au bilan de VMP est donc un premier signe favorable d’une certaine « aisance » financière.

Mais attention cela ne suffit pas. Encore convient-il d’observer l’évolution dans le temps de la trésorerie, sa dynamique, et pas seulement sa statique à un moment donné. Car tout prélèvement sur la trésorerie sera autant de moins pour faire face aux aléas de la conjoncture.

Pour s’en persuader revenons à ce qui explique de manière concrète le niveau de la trésorerie d’une entreprise à un instant t.

Une « mauvaise » trésorerie, c’est-à-dire une trésorerie insuffisante, peut révéler deux choses de nature différente.

Ou bien l’entreprise génère des recettes inférieures à ses dépenses et, là encore, il convient de distinguer deux origines. L’entreprise peut avoir trop investi à long terme, sur ressources propres ou par endettement. Et le cash généré par l’exploitation est insuffisant pour financer ces investissements. Il s’agit alors d’un problème structurel grave car cela signifie que, tôt ou tard, il faudra réduire la voilure si l’on ne parvient pas à générer plus de ventes et plus de marge.

Ou bien il s’agit d’un problème temporaire uniquement lié à l’exploitation courante d’une affaire.

Si en effet le cash issu du chiffre d’affaires ne peut être encaissé au moins en même temps que le cash absorbé par le paiement des dépenses, il y a un problème de financement du « décalage ». C’est ce qu’on appelle le financement du « fonds de roulement ». De façon générale, ce décalage est à peu près toujours le même compte tenu des habitudes de règlements accordés tant aux clients que celles acceptées par les fournisseurs. Si le chiffre d’affaires est peu différent chaque mois de l’année, le montant en valeur absolue du fonds de roulement nécessaire pour financer le cycle d’exploitation est donc à peu près toujours le même. En revanche, notamment du fait d’une croissance rapide du chiffre d’affaire, le besoin en fonds de roulement peut être de plus en plus important et cette situation peut mener, dans le pire des cas, à la faillite ...

En conséquence, il s’agit de bien analyser l’origine du « manque de trésorerie », et dans le cas d’une abondance relative, il faut apprécier de façon précise si l’entreprise dispose de façon régulière d’un montant en trésorerie supérieur à ce dont elle a besoin pour financer son fonds de roulement. Dans ce dernier cas seulement, la différence peut être considérée comme de la trésorerie excédentaire.

A quoi cet excédent peut-il être utile ?

sécuriser l’entreprise qui peut puiser dans cette réserve en cas d’événement imprévu : perte d’un gros client, impayé important, baisse conjoncturelle du chiffre d’affaires, redressement fiscal, panne de matériel, crise économique...
placer l’argent correspondant sur un compte rémunéré d’épargne ;
faciliter l’obtention d’un emprunt : les banques sont aujourd’hui très attentives au niveau de la trésorerie et sans trésorerie excédentaire il sera bien difficile d’obtenir un crédit à long terme ;
autofinancer des dépenses : c’est une façon de préserver son indépendance par rapport au monde financier ou d’éviter l’ouverture à des capitaux extérieurs ; mais cette attitude de l’indépendance à tout prix a ses limites car elle peut asphyxier l’entreprise à court terme et engendrer une situation de défaut de paiement en cas de la survenue d’un événement imprévisible ;
distribuer des dividendes sans handicaper l’entreprise.

C’est cette dernière tactique que l’on utilise pour éventuellement financer une acquisition. La holding de reprise sert en outre à cela. Elle prélève des dividendes sur la société cible, dividendes qui viennent directement abonder sa propre trésorerie et qui vont financer une partie du montant de l’acquisition.

Mais cet « exercice d’équilibrisme » est-il souhaitable et dans quelles limites ? Comme je l’ai indiqué plus haut, je pense que ce n’est pas très « moral » et pas non plus un bon calcul. Pas un bon calcul, car ce « pompage » assèche la trésorerie et donc ampute l’entreprise de sa capacité de réaction et d’anticipation face à des aléas aussi bien positifs que négatifs : profiter d’une occasion d’investissement qui s’offre de façon inattendue, faire face à des dépenses indispensables, éviter le défaut de paiement en cas de chute brutale du chiffre d’affaires.

La trésorerie est le poumon de l’entreprise. Elle lui apporte l’oxygène dont elle a absolument besoin pour survivre, vivre, se développer. Ce besoin varie en fonction des circonstances et c’est pourquoi il est bon et sain de disposer de réserves.

En conclusion retenez que la présence d’une trésorerie excédentaire constitue un élément de confort indispensable. Le niveau de la trésorerie constitue par ailleurs l’un des tout premiers indicateurs observé par le monde financier pour apprécier la « bonne santé » d’une entreprise. Et, contrairement à une époque où l’économie était plus florissante, ce même monde bancaire répugne aujourd’hui à voir siphonner la trésorerie pour financer une acquisition. Sage évolution !

Pour en savoir plus : https://www.eyrolles.com/Entreprise/Livre/gerer-son-entreprise-avec-succes-9782340034068
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Auteur : Gilles Lecointre
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