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Principaux enjeux juridiques et économiques des garanties négociées lors d’une vente d’actions

Mardi 15 novembre 2022 à 16h40 par KELLERHALS CARRARD

1. Principaux enjeux juridiques et économiques des garanties négociées lors d’une vente d’actions
Les garanties : ce n’est pas le sujet auquel les négociateurs d’une transaction M&A vont accorder leur attention de manière prioritaire, dans un processus qui dure plusieurs mois. Toutefois, au moment où ce sujet est abordé dans le cadre des tractations, il crée bien souvent des tensions, voire une rupture. Une approche structurée, proactive et transparente de cette thématique, à un stade des négociations où il est encore possible de faire évoluer les positions de manière rationnelle est, à notre avis, un remède aux comportements qui peuvent découler du stress, des tensions et d’attitudes trop émotionnelles souvent fréquents en fin de processus.

2. Bases légales et contenu des garanties
Les garanties sont principalement concédées par le vendeur. Elles découlent d’obligations légales (ex. CO184-185ss) et de la liberté contractuelle des parties qui permet de créer des engagements spécifiques à la transaction.

Si la transaction prend la forme d’une vente d’actions, les garanties prévues par la loi sont très limitées : elles se limitent à la propriété des actions vendues, sans se préoccuper des qualités promises ou attendues de la société elle-même. C’est donc dans le contrat de vente que l’acheteur doit se protéger en mentionnant spécifiquement les points sur lesquels il veut obtenir des garanties (typiquement, et sans souci d’exhaustivité, l’absence de litige, le respect de la législation, l’exactitude des comptes, la fiscalité, la propriété intellectuelle, la protection des données, etc.).

Aux garanties s’ajoutent les indemnités qui sont destinées à compenser des prétentions relatives à des problèmes clairement identifiés au moment de la Due Diligence, p.ex. une taxation contestée, un litige en attente de jugement par un tribunal, une prétention en responsabilité dont la couverture d’assurance est en cours d’analyse, etc.

Pour cibler les besoins de garanties, l’analyse des risques et les audits de Due Diligence sont en principe le moyen le plus concret pour poser les enjeux, les quantifier et en négocier la manière de les prendre en charge. Un inventaire précis des éléments pouvant donner lieu à l’obtention de garanties permet d’aborder la discussion avec le vendeur et ses conseillers d’une manière structurée et factuelle. C’est pourquoi lors de la rédaction du contrat de vente, les parties se réservent généralement la possibilité de revenir sur la teneur précise des garanties et indemnités, du moins jusqu’à la fin du processus de Due Diligence.

Au moment des négociations contractuelles, il y a parfois débat quant au fait d’avoir exposé la situation de manière transparente lors de la Due Diligence (data room), dans la mesure où ayant conscience de certains risques ou problèmes, l’acheteur ne devrait plus être en situation d’exiger des garanties. Ce sont ainsi souvent les mêmes discussions qui reviennent : le vendeur estime qu’il a donné toutes les informations dans le processus de Due Diligence et que l’acheteur, pleinement informé, ne peut pas se plaindre d’un fait qu’il connaît désormais ; l’acheteur, quant à lui, argumente qu’il souhaite obtenir des garanties sur l’état de la société, que si certains éléments ne sont pas conformes aux garanties, ils doivent être clairement indiqués, et qu’il ne souhaite qu’on vienne lui brandir dans quelques mois une page d’un obscur document de la data room pour lui signifier qu’il devait connaître un fait qui fait obstacle à l’application des garanties. Chacune de ces positions est légitime et c’est l’art du négociateur que de trouver une solution acceptable pour les parties.

En définitive, les vendeurs envisagent bien souvent l’exigence de garanties sur la société comme une preuve de défiance à leur égard de la part de l’acheteur, alors qu’il s’agit en réalité avant tout d’une technique juridique pour allouer le risque de survenance ou de découverte d’événements négatifs. Alors que le vendeur dit souvent « Je ne peux pas savoir si certains de mes clients me réservent des procès, je ne suis pas dans leur tête ! », l’acheteur rétorquera : « Peu m’importe : je veux seulement m’assurer que si un litige éclate après l’exécution de notre transaction pour un fait qui tire son origine avant cette exécution, c’est vous qui en assumez le risque. »

3. Sujets de négociations liés aux garanties

3.1 Durée
Hormis les éléments dont la durée de prescription provient d’une base légale (impôts, charges sociales, etc.) et les qualités fondamentales (propriété et absence de droits de tiers sur les actions), pour lesquels une longue durée est généralement prévue, il s’agit de définir une durée aux garanties concédées par le vendeur dans le cadre des négociations. Une durée de dix-huit à vingt-quatre mois semble être un bon indicateur en pratique, dès lors qu’elle permet à l’acheteur de sauvegarder ses droits jusqu’à ce que la société acquise ait pu boucler un exercice comptable complet, audit compris.

3.2 Minimas et maximas
En pratique, on s’affranchit des cas mineurs ou « bagatelle » en fixant des seuils. Un évènement négatif dont la valeur représente moins d’environ 1 o/oo du prix de vente ne devrait pas pouvoir activer un processus de garantie. Il en va de même, si les cas de garantie, pris dans leur ensemble, n’atteignent pas une valeur cumulée d’environ 1 % du prix de vente.

A l’inverse, si on peut imaginer dans le contexte d’une entreprise en difficulté que le plafond des garanties pourrait éventuellement dépasser le prix de vente des actions, il semblerait, sur la base de nos observations, que dans des situations économiques normales, les garanties représentent une valeur potentielle allant de 20 % à 50% du prix de vente, selon les cas.

Ces ordres de grandeur sont naturellement indicatifs et chaque transaction présente ses particularités qui peuvent aboutir à modifier la durée des garanties ou à élever ou abaisser sensiblement ces limites, voire à y renoncer dans certains cas. Notons que ces limites sont souvent inapplicables aux indemnités spécifiques, qui visent des cas bien identifiés où le vendeur doit assumer l’intégralité du risque.

Les juristes s’emploient également à préciser dans les contrats que le principe de la vente ne sera en aucun cas mis en cause et que l’indemnisation financière est le seul moyen de l’acheteur en cas de violation des garanties. On voit en effet mal comment gérer (même du point de vue de l’entreprise), une reprise du contrôle de la société par le vendeur, imposée judiciairement sans son consentement, au moment où la société croule bien souvent sous une avalanche de problèmes.

4. A quel moment négocier ?
Il serait à notre avis souhaitable de parler des garanties attendues par l’acheteur au moment où celui-ci émet son offre indicative (lettre d’intention, « memorandum of understanding », etc.). Ceci pour éviter que ce sujet important soit abordé pour la première fois dans le sprint final des négociations contractuelles, post Due Diligence. Ceci implique qu’acheteur et vendeur ne fassent pas l’économie d’être conseillés suffisamment tôt par un spécialiste juridique. Malheureusement, nous observons que bon nombre d’opérations se négocient de manière insuffisante avant la Due Diligence et que les tensions apparaissent souvent au moment des négociations contractuelles car le cadre économique dont font partie les garanties n’a pas été posé complètement dans les phases antérieures des pourparlers.

5. Mécanismes financiers pour couvrir la réalisation des garanties
Pour s’assurer que le vendeur est en mesure d’exécuter ses obligations, et notamment pour sécuriser les prétentions de l’acheteur en cas de violation des garanties ou indemnités, diverses mesures (cumulables) peuvent être mises en place :

     • Retenue d’une partie du prix de vente sur un compte bancaire de séquestre « escrow account», lequel sera libéré lorsque les conditions définies contractuellement sont remplies ;

     • Paiement retardé d’une partie du prix de vente par l’acheteur, ce qui dans ce cas reporte le risque financier sur le vendeur d’une manière plus importante ;

Pour des transactions importantes, intervention d’un assureur pour couvrir tout ou partie de certains risques de garanties.

6. Synthèse
Nous recommandons aux parties concernées de se préoccuper des attentes en matière de garantie à un stade suffisamment précoce des pourparlers pour que ce sujet important soit thématisé et traité de manière structurée.

Il ne suffit pas à notre avis de reprendre des contenus « copiés/collés » d’anciens contrats pour traiter les garanties de manière ciblée et ordonnée. Ce sujet mérite l’implication des conseils juridiques en amont d’un processus qui dure plusieurs mois et présente souvent de nombreux enjeux émotionnels. En phase finale de négociations, lorsque les tensions sont importantes, il paraît préférable de diminuer le nombre de sujets qui peuvent provoquer la rupture des négociations.


Frédéric ROCHAT - Dr. en droit, avocat
Claude ROMY - Economiste d’entreprise, administrateur indépendant

Pour en savoir plus : http://ma-experts.ch
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