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Le Conseil d’Etat clarifie les conditions d’application du régime mère-fille

par BIGNON LEBRAY

Le régime mère-fille ouvre la possibilité pour une société mère détenant au moins 5% d’une filiale depuis au moins deux ans (ou ayant pris l’engagement de conserver les titres durant au moins deux ans) de bénéficier de l’exonération d’impôt sur les sociétés sur les dividendes qu’elle reçoit de sa fille, à l’exception d’une quote-part de frais et charges de 5%. Autrement dit, seulement 5% du montant des dividendes reçus sont soumis à l’impôt sur les sociétés au niveau de la société mère.

Dans un arrêt du 15 décembre 2014 (CE, 15/12/2014, 9ème /10ème SSR, n°38042), le Conseil d’Etat a enfin tranché la question de l’interprétation de la condition de conservation des titres de la filiale par la mère. En 2000, la société Technicolor SA a pris une participation de 3,19% dans la société Canal Plus Technologies. Puis entre 2003 et 2004, elle a complété sa participation jusqu’à en détenir l’intégralité du capital. Durant l’année 2004, Technicolor SA a reçu des dividendes de Canal Plus Technologies, puis a cédé la moitié de ses titres au cours de la même année.

Suite à un contrôle, l’administration fiscale a remis en cause une partie de l’exonération des dividendes reçus, en raison du manquement à l’obligation de conservation des titres de participation. L’administration fiscale a ainsi considéré que seuls les produits issus de participations détenues depuis plus de deux ans peuvent bénéficier de l’exonération, en vertu des articles 145 et 216 du Code général des impôts. La société Technicolor SA a contesté le rehaussement et a saisi le juge de l’impôt, en s’appuyant sur l’article 3 de la Directive 90/435/CEE du 23 juillet 1990 qui cantonne la condition de durée de détention à la « participation donnant droit à la qualité de mère ».

Le Tribunal administratif a accueilli la demande de la société, mais la Cour administrative d’appel a pris une position favorable à l’Administration. La société s’est alors pourvu en cassation, et a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité sur la divergence d’application de la condition de durée de détention entre le droit interne et le droit communautaire, créant ainsi une inégalité de traitement.

En effet, en application du droit interne, une société mère française ne peut bénéficier de l’exonération que pour les dividendes de participations de plus de 5% détenues depuis plus de deux ans dans une filiale française. En revanche, en application du droit communautaire, cette même société est éligible à l’exonération sur l’intégralité des dividendes reçus d’une filiale située au sein de l’Union européenne dès lors qu’elle en détient au moins 5% depuis deux ans. Autrement dit, il suffit que la société ait détenu un socle minimal de 5% pendant au moins deux ans pour que l’intégralité des dividendes bénéficient de l’exonération, même si une partie de ces dividendes sont liés à des titres détenus depuis moins de deux ans.

Face à cette contradiction, au cœur du litige, le Conseil d’Etat a raisonné en trois temps.

Tout d’abord, il a rappelé que les dispositions du Code général des impôts n’avaient pas été modifiées postérieurement à l’entrée en vigueur de la Directive 90/435/CEE, et qu’elles devaient donc être considérées comme conformes à la Directive.

Ensuite, le Conseil d’Etat a précisé que le législateur n’avait pas entendu traiter différemment les deux situations, à savoir la perception de dividendes d’une filiale française ou située dans l’Union européenne.

En conséquence de quoi, le Conseil d’Etat a considéré que les dispositions litigieuses des articles 145 et 216 du CGI devaient être interprétées à la lumière de la Directive.

Ainsi, l’arrêt conclu que la condition de conservation des titres pendant deux ans s’applique uniquement aux titres de participation donnant droit à la qualité de société mère, c’est-à-dire au socle de 5%. Autrement dit, l’exonération bénéficie à tous les titres, indépendamment de leur durée de détention, dès lors que la société mère a détenu de manière continue au moins 5% des titres de la filiale.

Cette décision favorable aux entreprises s’inscrit paradoxalement dans un contexte de durcissement des conditions pour bénéficier de l’exonération des dividendes versés par les filiales.

En effet, la loi de finances rectificative pour 2014, votée en décembre 2014, exclut du régime mère-fille les dividendes versés par une filiale lorsque ceux-ci ont été déduits du résultat imposable de la société distributrice. Il s’agit de limiter les situations de doubles exonérations, résultant de l’utilisation d’instruments dits hybrides, dont l’opération de distribution peut être considérée comme une charge déductible dans l’Etat de source (par exemple des intérêts), et un produit exonéré dans l’Etat bénéficiaire (par exemple des dividendes éligibles au régime mère-fille), en raison d’une divergence de qualification juridique et de traitement fiscal entre les deux Etats.

De même, par une décision 24 novembre 2014 (CE 24/11/2014, n°363556), le Conseil d’Etat a exclu du régime mère-fille les dividendes versés par une filiale américaine détenue par une mère française par l’intermédiaire d’un general partership américain, ce dernier s’assimilant à une société de personnes qui ne serait pas soumise à l’IS en France. En effet, les titres détenus par une société mère soumise à l’IS dans une société de personnes ne sont pas éligibles au régime mère-fille.

Cyril Maucour (Avocat Associé)
Mehdi Battikh (Avocat Collaborateur)

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