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Le " bon " moment pour entreprendre : maintenant ou bien jamais ?

par Gilles Lecointre / EYROLLES






La température économique est-elle un indicateur incontournable pour créer ou reprendre une entreprise indépendante ? Une question au cœur de l’actualité au moment où on nous assène chaque minute que tout va mal…. « L’économie s’écroule….On n’a jamais vu ça, le PIB a chuté de plus de 6% au 1er trimestre ».

Est-ce grave, docteur ?

D’abord rappelons qu’on a déjà connu de semblables chutes durant les grands krachs ou bien pendant les périodes de guerre et d’après-guerre. Et on s’en est relevé ! D’autre part il est un peu normal que quand on éteint la lumière pendant deux mois, l’énergie consommée se contracte à due proportion …

Sur ces aspects macro-économiques économiques de la crise du COVID, je vous renvoie à l’analyse déjà parue sur ce site (Redémarrage rapide de l'économie : les raisons d'espérer). Mais au-delà, comment se pose la problématique du futur entrepreneur durant cette période.

Il me semble que le problème doit être traité de façon différente selon qu’on est repreneur ou créateur. En effet le créateur initie son propre « marché ». Il prend un double risque et fait un double pari. Mon produit/service va-t-il fonctionner « correctement » (offre) ? Va-t-il plaire aux consommateurs (demande) ? C’est bien pour cette raison que les créateurs d’entreprises ont un taux de réussite sensiblement inférieur à celui des repreneurs.

Car les repreneurs eux ne partent pas « from scratch ». Ils peuvent s’appuyer sur des éléments d’actifs préexistants. Des actifs matériels (équipements, comptes clients, trésorerie, encours de commandes, stocks) et surtout des actifs « immatériels » (savoir-faire, réputation, qualité du personnel, fidélité de la clientèle, brevets, méthodes de travail, qualité des produits…..). Toutes choses qui mettent beaucoup de temps à se mettre en place, dont l’investissement en temps et en capitaux est important. Le repreneur, comme son nom l’indique, prend la suite. Il va avoir pour mission principale le maintien et l’amélioration de l’ « outil » en place. Ce n’est pas le même risque. Ce n’est pas non plus le même rendement du capital investi. Celui qui crée bénéficiera, s’il réussit, d’une « prime « correspondant au fait qu’il « verrouille » mieux le marché qu’il créé.

Si je rappelle tout cela c’est parce que le contexte actuel va induire des arbitrages inédits. Comment, par exemple, la crise sanitaire va-t-elle interagir sur la demande des consommateurs ? C’est bien difficile de le prévoir. Mais il y a deux grandes hypothèses. Ou bien les consommateurs confinés, contraints de réduire leur train de vie et à emmagasiner une épargne forcée, vont se « rattraper » à la sortie de la crise. Ils vont surconsommer pendant un certain temps et reprendre les choses « comme avant ». Ce rattrapage sera salutaire pour les entreprises qui ont été arrêtées net et qui ont hâte de reconstituer leur trésorerie.

Ou bien les consommateurs vont remettre en cause leur mode de vie. Dans ce cas, le « modèle » économique en place peut se trouver bouleverser de fond en comble. Imaginons qu’une majorité de gens renoncent à prendre l’avion, décident de supprimer la seconde voiture, n’achètent plus que des produits bio de proximité, se déplacent moins loin et à bicyclette, arrêtent d’aller au restaurant, fuient les grands centres commerciaux, refusent la fibre optique, la 5G, la nième version de portable, préfèrent s’exiler en Province avec des revenus inférieurs,…… Alors, dans ce nouveau contexte, ça va « chahuter » et il faudra s’adapter à une nouvelle donne.

Les gouvernements sont également hésitants sur cette alternative : auront-ils le courage de casser la mondialisation, de réorganiser l’économie intérieure (régulation plus forte de l’offre, notamment industrielle, retour complet sur l’aménagement du territoire), d’investir massivement dans l’écologie, de davantage décentraliser les décisions…. Ou bien chercheront ils simplement à faire repartir la machine telle qu’elle était avant la crise sanitaire ?

Pour plein de raisons, je pense qu’aussi bien du côté des consommateurs que de celui des Etats la direction principale penchera davantage vers le conservatisme. Il y aura des signes dans l’autre sens mais qui seront surtout des alibis….

Alors, si on est entrepreneur que penser, que faire face à ce nouveau dilemme ?

Face à son « double risque », je crois que la prudence recommande au créateur d’attendre et de voir de quel côté va pencher la balance. Car il va y avoir des opportunités qui vont se fermer et d’autres qui vont s’ouvrir. Certains marchés vont se trouver en danger de mort, d’autres en chamboulement complet et d’autres enfin en capacité très grande de développement. Certaines pistes vont être grandes ouvertes par les pouvoirs publics, d’autres vont se refermer.

La situation est un peu différente pour le repreneur pour au moins deux raisons. D’une part parce que lui va avoir le temps d’observer le business modèle qu’il convoite. Les décisions de reprises vont en effet être plus longues, les études et audits plus conséquents, le montage financier ralenti. Le repreneur potentiel bénéficiera donc « en direct » d’un crash test bien utile. Par ailleurs, il est très probable que dans cette période d’incertitude, le prix des affaires baisse sensiblement. En tous cas, pour toutes celles dont les propriétaires vendeurs voudront absolument vendre et ne pas attendre et risquer la période d’ajustement qui s’ouvre. En conséquence de quoi on peut faire l’hypothèse raisonnable que pour le repreneur, le risque économique sera sans doute un peu plus grand mais assorti d’un risque financier plus faible.

Je ne voudrais pas cependant terminer cette analyse rapide sans rappeler que le risque est consubstantiel à la fonction d’entrepreneur et qu’il n’y a aucune possibilité de s’en abstraire, aujourd’hui et demain. Ce qui compte avant tout ce n’est pas le choix du moment en fonction de critères exogènes (la conjoncture par exemple), mais la décision d’y aller parce qu’on a une bonne idée et de bonnes raisons d’y croire, qu’on soit créateur ou repreneur.

A cet égard, il est capital de garder présent à l’esprit d’une part les caractéristiques générales, vérifiés statistiquement, des entreprises qui surperforment. Et d’autre part, de suivre le business model global à respecter en toutes circonstances.

Selon de nombreuses études (en particulier les recherches de KPMG) il y a six principaux facteurs de différenciation qui différencient les entreprises « gagnantes » :

      - Un management centré sur l’innovation
      - Un investissement soutenu sur les systèmes d’information et de communication
      - Une politique ambitieuse à l’export
      - Une attention particulière aux ressources humaines
      - Une prise de risque avec un taux d’endettement supérieur à la moyenne
      - Un dirigeant obsédé qui a le « petit vélo » de la croissance dans la tête 24h/24.

Il existe aussi un modèle de gestion qu’il convient de respecter pour vivre en bonne santé et très longtemps !



En conclusion, la seule vraie question c’est de décider. Il n’y a jamais de bon moment. On ne le sait qu’après. En revanche il y a des gens qui prennent des risques et d’autres moins ...

Pour en savoir plus : https://www.eyrolles.com/Entreprise/Livre/gerer-son-entreprise-avec-succes-9782340034068
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Auteur : Gilles Lecointre
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L'objet de cet ouvrage est d'aider tous les nouveaux dirigeants ainsi que ceux qui sont plus expérimentés à gérer et développer leur affaire avec succès. Il aborde les différents aspects des choix auxquels un patron est quotidiennement confronté, à court ou moyen terme dans tous les domaines de la vie d'entreprise