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L'acquisition d'un bien immobilier par une société soumise à l'IS: quelles solutions pour quelle fiscalité ?

par VIRGILE AVOCATS






Comment le dirigeant peut-il optimiser l'exploitation d'un bien immobilier par son entreprise ? La soumission des plus-values de cession de biens immobiliers au taux normal de l'impôt sur les sociétés empêche t'elle tout schéma de détention d'un bien immobilier par une société ?

Le présent article tentera de répondre à ces questions en proposant des outils au dirigeant afin de lui permettre d'améliorer la fiscalité de la détention d'un bien immobilier professionnel.

1. Les solutions traditionnelles et leurs limites

Les solutions traditionnelles ont le mérite de la simplicité, tant sur le plan juridique que sur le plan fiscal. Elles font appel alternativement, soit aux principes de fiscalité des entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés, soit aux principes de fiscalité immobilière des particuliers.

Toutefois ces solutions présentent souvent un coût fiscal élevé qui rend leur mise en pratique difficile.

1.1. Détention de l'immeuble par la société

Dans cette configuration, la Société détient directement l'immeuble qu'elle inscrit à l'actif de son bilan.

La détention de l'immeuble dans le patrimoine professionnel présente un double avantage :

    Au plan juridique, elle offre à la société la sécurité de maintien dans ses locaux, contrairement au cas du bail commercial.

    Au plan financier, elle permet la constitution d'un capital immobilier à des conditions financières similaires à celle du bail commercial. Or ce bien immobilier peut être source de financement, de garantie, de recettes, tandis que dans le cas du bail commercial, les loyers sont tout simplement perdus.

Au plan comptable et fiscal, les conséquences de la détention d'un immeuble sont bien encadrées : la société déduit de ses résultats les amortissements, le montant des travaux qui n'améliorent pas la valeur de l'immeuble et les frais d'acquisition de l'immeuble.

Mais la simplicité de ce type de schéma présente un revers de taille : son coût fiscal à la sortie. En effet, la plus-value de la cession d'un immeuble par une société soumise à l'IS est imposée à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun (33,33%). Ses modalités de calcul rendent ce coût prohibitif : la plus-value est en effet calculée en fonction de la valeur nette comptable qui correspond au prix d'acquisition diminué des amortissements précédemment constatés. Cela revient donc à taxer les amortissements de l'immeuble antérieurement déduits.

1.2. Solution alternative : détention de l'immeuble par les associés et mise en location au profit de la société d'exploitation.

Une autre solution consisterait à faire détenir l'immeuble d'exploitation par le dirigeant et/ou les associés. Ce schéma de détention qui passe par le patrimoine privé du dirigeant et/ou des associés peut être mis en place en direct ou par l'interposition d'une SCI.

Dans le cadre d'une détention directe, l'immeuble est loué à la société d'exploitation par ses propriétaires personnes physiques. Ces derniers perçoivent alors des loyers imposés au titre des revenus fonciers, qui au moment de leur retraite pourront constituer un complément de revenus. Ce mode de détention présente les avantages suivants :

    Au plan juridique, le bien immobilier échappe aux effets d'une éventuelle procédure collective. Il permet également de dissocier le bien immobilier professionnel de la société, l'immeuble étant souvent considéré comme un obstacle à la cession de la société d'exploitation dans les meilleures conditions.

    Au plan fiscal, les intérêts afférant à l'emprunt de l'immeuble, le cas échéant, pourront être déduits, de même que le coût des travaux (à l'exception des travaux d'agrandissement et/ou de construction). L'éventuel déficit en résultant ne pourra toutefois pas être imputé sur les revenus globaux de l'associé, mais pourra seulement faire l'objet d'un report limité pendant dix ans sur les éventuels bénéfices fonciers ultérieurs. En cas de cession de l'immeuble au-delà de 15 ans, les associés ne supporteront aucun impôt sur la plus-value en vertu de l'article 151 septies B CGI.

Les inconvénients ne sont toutefois pas moindres au niveau des associés : ces derniers ne peuvent pas déduire ni les amortissements, ni les frais liés à l'acquisition de l'immeuble. En termes de trésorerie, ce schéma présente un inconvénient immédiat de taille qui rend sa mise en oeuvre difficile : en effet, généralement, le montant des loyers est insuffisant pour couvrir le service de l'emprunt d'acquisition (intérêts et remboursement du capital), tandis que le résultat foncier est souvent positif (les loyers étant supérieurs aux intérêts d'emprunt), ce qui conduit inéluctablement les associés à payer de l'impôt sur des sommes dont ils n'ont pas la disposition. De quoi en faire reculer plus d'un !

Dans le cadre d'une détention indirecte, l'immeuble est détenu par une SCI dont les titres appartiennent aux associés de la société d'exploitation. Il est loué à la société d'exploitation comme dans le cas précédent. Cette solution évite la situation d'indivision sur l'immeuble d'exploitation et offre des possibilités de transmission (notamment à titre gratuit) plus nombreuses que dans le cas d'une détention à plusieurs en direct.

Les incidences fiscales de la détention en direct ou par interposition d'une SCI de l'immeuble d'exploitation sont par ailleurs les mêmes.

En effet, la détention d'un patrimoine à travers une société civile ne modifie pas les règles applicables à la détermination des revenus et des charges afférentes à la location de ce bien, la SCI ayant la nature d'une société transparente au plan fiscal, sauf option pour l'impôt sur les sociétés, option sans intérêt au cas présent.

Les deux situations classiques présentées ci-dessus ont chacune leurs avantages et leurs inconvénients :

    en ce qui concerne la fiscalité des particuliers, le principal avantage réside en l'exonération de l'impôt sur la plus-value au bout de 15 ans de détention ;

    en ce qui concerne la fiscalité des entreprises, l'avantage majeur consiste à pouvoir constater des amortissements déductibles du résultat, et à passer en charges la quasi-totalité des frais se rapportant à l'immeuble, dans la limite de l'acte normal de gestion et sous réserve de respecter la classification de ces frais (charges ou immobilisations).

N'existerait-il pas alors des solutions permettant de profiter cumulativement des avantages fiscaux de la fiscalité des particuliers et de la fiscalité des entreprises ?

2. Les solutions novatrices : une efficacité fiscale maîtrisée.


Et si la solution passait par un démembrement de propriété ?

Le démembrement de propriété consiste à diviser la propriété d'un bien entre d'une part un usufruitier, qui possède le droit d'utiliser le bien et d'en percevoir les éventuels revenus, et d'autre part un nu-propriétaire, lequel dispose du droit d'aliéner le bien.


Le démembrement porterait alors soit sur l'immeuble d'exploitation lui-même, soit sur les titres d'une SCI propriétaire de l'immeuble en cause.

2.1 Premier schéma : démembrement de la propriété de l'immeuble d'exploitation.

Dans cette configuration, la propriété de l'immeuble est démembrée entre, d'une part, la société d'exploitation qui en acquiert l'usufruit temporaire et d'autre part, une SCI constituée entre des associés personnes physiques de la société d'exploitation, qui en acquiert la nue propriété.

An acquérant l'usufruit temporaire, la société d'exploitation dispose d'un droit d'usage tout au long de la période du démembrement. A l'extinction de cet usufruit, celui-ci rejoindra automatiquement la nue-propriété détenu par la SCI, ce transfert s'opérant sans fiscalité.

L'usufruit temporaire acquis par la société d'exploitation a une durée maximale de 30 ans. En pratique, la durée de l'usufruit temporaire est calquée sur la durée du financement d'acquisition qui est comprise généralement entre 15 et 20 ans. Cette durée confère en outre à la société une garantie de maintien dans les lieux supérieure à celle qui lui serait octroyée par un bail.

En acquérant la nue-propriété, la SCI ne disposera d'aucun revenu au titre de l'immeuble. C'est la raison pour laquelle les associés de la SCI devront réaliser un apport de trésorerie équivalent à la valeur de la nue-propriété pour les besoins de l'acquisition.

Toutefois cet apport sera généralement moindre que dans le cas où la SCI acquiert la pleine propriété de l'immeuble et qu'elle en concède la jouissance à la société d'exploitation par le biais du bail commercial.

Au plan fiscal les avantages sont conséquents puisque ce schéma permet une combinaison réussie des avantages fiscaux des deux régimes d'imposition (particuliers et sociétés), comme suit :

Pendant la durée du démembrement :

    au niveau de la société commerciale : amortissement du droit d'usufruit et comptabilisation en charges déductibles des intérêts d'emprunt ;

    au niveau des associés de la SCI : cette solution n'entraîne aucun surcoût fiscal particulier du fait de l'absence de revenus au sein de la SCI pendant la durée du démembrement, à l'exception de l'ISF. Ainsi les associés n'auront-ils pas à supporter d'impôt sur des sommes qu'ils ne perçoivent pas.

A la fin du démembrement :

    au niveau de la société commerciale : l'extinction de l'usufruit ne génère, en principe, aucun coût fiscal ;

    au niveau des associés de la SCI : la reconstitution de la pleine propriété dans le patrimoine de la SCI est exempte d'impôt. En cas de cession de l'immeuble, la SCI bénéficie de l'abattement de 10% par année de détention au-delà de la cinquième, la durée de la détention étant décomptée à partir de l'acquisition de la nue propriété par la SCI (et non à partir de la reconstitution de la pleine propriété). En pratique, la cession par la SCI de l'immeuble au terme du démembrement, si celui-ci est de 15 ans, échappe à l'impôt sur la plus-value. En cas de conservation de l'immeuble, celui-ci pourra être concédé à bail et ainsi générer des revenus fonciers, en complément des revenus courants des associés. Ces derniers supporteront une imposition supplémentaire en conséquence, tout en bénéficiant de la trésorerie nette résultant de la perception des loyers, puisque par hypothèse, la SCI ne sera pas endettée.

Exemple : La Famille X détient des participations dans la SA Y et dans la SCI Z. Il est procédé à l'acquisition d'un immeuble le 1er mars 2010, la nue propriété allant à la SCI Z pour une valeur de 400 k€ et l'usufruit à la SA Y pour une valeur de 600 k€ et pour une durée de 20 ans.

Au 1er mars 2030, donc au terme de la durée de l'usufruit (20 ans), la SCI Z recouvre la pleine propriété de l'immeuble qu'elle peut vendre en franchise d'impôt.


2.2. Deuxième schéma : démembrement de la propriété des parts sociales de la SCI propriétaire de l'immeuble d'exploitation.

L'opération consiste à constituer dans un premier temps une SCI entre les associés du groupe familial, l'usufruit des parts de cette société étant cédé à la société d'exploitation. Dans un second temps, la SCI procède à l'acquisition d'un immeuble en contractant un emprunt à cet effet.

Dans ce cas les avantages fiscaux sont importants :
- les associés membre du groupe familial ne seront pas imposés aux revenus fonciers au titre des résultats bénéficiaires de la SCI appréhendés par la société d'exploitation en tant qu'usufruitière ;
- l'usufruit des parts sociales de la SCI pourra générer un amortissement déductible fiscalement chez la société d'exploitation ;
- la constatation de déficits chez la SCI remonte dans les comptes de la société d'exploitation entraînant une diminution de son résultat fiscal et donc de l'IS.
- la détention en nue propriété des parts de la SCI par les associés n'a pas de conséquence sur l'ISF.

A noter cependant qu'à l'extinction de l'usufruit, la société d'exploitation risque d'être imposée au titre de la plus-value du fait de la sortie d'actif de l'usufruit. Cette imposition proviendra de la réintégration du montant des déficits transmis par la SCI et sera soumise au taux de l'IS.


Exemple : Monsieur X et son fils sont associés de la SA D. Ils décident de procéder à la constitution d'une SCI le 1er mars 2010 dont il conserve la nue propriété des parts et cèdent l'usufruit de ces droits sociaux à la SA D pour une durée de 20 ans. La SCI K procède alors à l'acquisition d'un immeuble et contracte un emprunt à cet effet. Au titre des exercices 2010, 2011 et 2012 les résultats de la SCI sont déficitaires à hauteur de 10k€ par exercice.

Au 1er mars 2030, la pleine propriété des parts de la SCI est reconstituée dans les mains de Monsieur X et de son fils. Lors de la sortie de l'usufruit de l'actif de la SA D il sera constaté une plus-value générant un impôt de 10.000€ (30.000€ x 33,33%).



3. Conclusion

L'utilisation du démembrement de propriété de l'immobilier d'entreprise de manière appropriée permet une économie globale d'impôt allant de 40% à 55% par rapport aux situations classiques.

Cela étant, la mise en oeuvre de ces schémas d'optimisation fiscale de l'immobilier d'entreprise nécessite inévitablement de résoudre certaines problématiques techniques comme la valorisation des droits démembrés. S'agissant de la valorisation de l'usufruit, deux méthodes pourront être utilisées : soit l'application du barème de l'administration fiscal, soit la recherche de la valeur économique.

Il conviendra aussi de prendre garde au fait que ces montages peuvent présenter des risques fiscaux, l'administration fiscale étant particulièrement attentive aux opérations « ingénieuses » ayant pour effet de minorer la charge fiscale des intéressés. Elle dispose pour ce faire de deux armes principales: l'abus de droit et l'acte anormal de gestion. Toutefois la réalisation de ces montages de façon sérieuse et réfléchie, avec l'aide d'un spécialiste de la matière, permettra de limiter au maximum la survenance du risque fiscal.

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