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Droit d'information : un recours et une question prioritaire de constitutionnalité contre la loi HAMON

par Marceau Avocats


Genèse d’un recours pour excès de pouvoir et d’une QPC contre les dispositions relatives au droit d'information préalable des salariés en cas de cession d'entreprise (DIP)


Tout commence au début de l’année 2014.

Un associé détient 50% d’une entreprise de maçonnerie et se met d’accord avec l’autre associé détenant les 50% restants pour lui racheter ses parts. A cet effet, un accord sous conditions suspensives par lequel le deuxième s’engage à céder ses parts au premier est conclu fin avril. Il est prévu que l’acheteur constitue une holding pour y apporter ses propres titres et pour racheter les titres de son associé.

Le closing de l’opération et, à fortiori, le transfert de propriété des titres est prévu début décembre, le temps de lever les conditions suspensives (obtention du financement, constitution de la holding…). A cette époque, le droit d’information préalable n’est encore qu’un projet législatif, certes bien avancé, mais pas encore adopté.

C’est le 1er août 2014 que la loi HAMON a été publiée au JO. Il y est prévu une information préalable des salariés deux mois avant la cession d’une participation majoritaire, sous peine de nullité de la cession. La loi prévoit que ce dispositif ne s’applique qu’aux cessions conclues trois mois au moins après la date de publication de la loi soit le 1er novembre 2014. Pas de quoi s’alarmer dans notre cas puisque la cession a été conclue fin avril !

Mais voilà que le décret d’application est publié le 29 octobre. Selon ce décret, la date de cession correspond à la date de transfert de propriété des titres. Il y aurait donc lieu à information des salariés deux mois avant la date du transfert de propriété des titres. Or, dans notre cas, le transfert de propriété des titres doit intervenir le 4 décembre 2014, ce qui implique que le DIP devrait s’appliquer bien que la cession ait été conclue au mois d’avril et que la loi ait été publiée au mois d’août… En outre, l’on voit mal comment procéder à l’information des salariés deux mois avant le 4 décembre, soit le 4 octobre, alors que le décret n’est paru que le 29 octobre !

Certes, le décret a exempté les cessions ayant fait l’objet de contrats de négociation exclusive antérieure au 1er novembre mais le contrat en cause étant une promesse de vente, qui ne peut juridiquement être qualifiée de contrat de négociation, cette exemption ne pouvait être invoquée.

Nous prenons alors la mesure de l’insécurité juridique que causent ces dispositions dont l’objectif annoncé est d’assurer la pérennité des entreprises. C’est pourquoi l’associé acquéreur forme un recours pour excès de pouvoir dans le but d’obtenir l’annulation de plusieurs dispositions issues du décret d’application. Ce sont principalement les modalités d’application dans le temps du droit d’information qui sont visées dans ce recours.

Pourquoi ? Car le décret rend le DIP applicable rétroactivement à des accords de cession conclus antérieurement à la date d’entrée en vigueur de la loi ou avant même la publication de la loi ! Comme on l’a vu dans notre cas, la cession est conclue sous conditions suspensives fin avril mais le DIP serait applicable car le transfert de propriété intervient en décembre.

Cette situation est ubuesque puisque le DIP s’applique à une cession conclue avant l’existence de ce dispositif. L’information est en outre sans objet pour les salariés car un accord a déjà été conclu.

L’objectif affirmé par la loi est de permettre aux salariés de la société cédée de pouvoir présenter une offre de rachat des parts ou actions qu’il est envisagé de céder. Mais ici, l’engagement de céder est déjà pris. L’on sait quand va avoir lieu la cession, à qui et à quel prix. Difficile pour des salariés de présenter une offre de rachat dans ces conditions.

En outre, le recours pointe le formalisme particulièrement lourd qu’impose le décret pour l’information des salariés. Ce formalisme est manifestement contraire à l’exposé des motifs de la loi selon lequel le DIP pouvait être rempli par tout moyen, notamment par voie d’affichage.

Puis, dans le cadre de ce recours pour excès de pouvoir, une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur les dispositions de la loi HAMON relatives au DIP est déposée.

La QPC vise notamment le caractère totalement disproportionné de la sanction par rapport aux objectifs annoncés du législateur : le défaut d’information d’un seul salarié est susceptible d’entrainer la nullité de la cession alors que l’objectif annoncé est d’assurer la pérennité des entreprises.

Dans l’attente d’adoption des propositions d’évolution du dispositif ont été remises par Madame la Députée Fanny Dombre-Costes et du résultat des recours, nous ne pouvons qu’appeler à la prudence quant à l’application de ce dispositif.
En particulier, suivant l’adage qui peut le plus, peut le moins, il est souhaitable de procéder à l’information préalable des salariés deux mois avant la conclusion d’un accord et pas seulement deux mois avant le transfert de propriété des titres.

Yves SEXER & Jean-François BINET


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