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Tour de table : Bien gérer le timing pour performer

par Mercure Avocats

TOUR DE TABLE : BIEN GERER LE TIMING POUR PERFORMER

De très nombreuses levées de fonds ont été recensées depuis le début de l’année 2015 dans le secteur des sciences de la vie. On le sait, l’entrée d’investisseurs (fonds d’amorçage, fonds de capital-risque, fonds de capital développement) est un moyen incontournable de financement de l’innovation, en particulier dans le secteur des biotechnologies, secteur dans lequel les sociétés ont besoin de financements significatifs et, en général, sur un horizon très long avant d’atteindre le stade de commercialisation de leur technologie et de devenir ainsi rentables.

En 2014, 94 entreprises de biotechnologie américaines et européennes ont fait leur entrée en bourse (IPO), battant ainsi le record des 79 introductions en bourse de l’année 2000. La même tendance se retrouve dans le domaine non coté, témoignant ainsi de l’appétit significatif des investisseurs pour le secteur des biotechnologies.

En effet, le secteur des biotechnologies, compte tenu des cycles de développement longs qui le caractérisent, a cette particularité de requérir des financements substantiels. La trésorerie est vitale pour les sociétés de ce secteur qui font de la recherche, développent de nouvelles thérapies ou technologies et qui, par essence, ne génèrent pas de chiffre d’affaires. Certaines étapes de développement (e.g., essais pré-cliniques / cliniques) peuvent être particulièrement longues et aléatoires. C’est la raison pour laquelle les biotechs doivent être attentives à leur plan de développement, mais également à leur stratégie de financement. Les coûts de R&D contraignent ces dernières à rechercher constamment des fonds propres ; des levées de fonds régulières et successives sont en effet en général indispensables. Cette recherche constante est par ailleurs consommatrice de temps et d’énergie pour les équipes.

Time is of the essence.

La principale contrainte à laquelle un entrepreneur, en particulier dans le secteur des biotechnologies, va être confronté, est le timing : timing dans la préparation d’une opération de levée de fonds (1), timing dans l’appréhension des étapes de développement et des besoins de financement (2) et timing de sortie (3) sont des éléments fondamentaux à anticiper au maximum et que nous nous proposons d’aborder.

1. Timing dans la préparation d’une opération de levée de fonds

Il est important, lors d’une opération de levée de fonds, de bien anticiper ses besoins de financement ainsi que le timing des opérations préalables.

Anticiper les besoins de trésorerie - Pourquoi lever des fonds et quand lever des fonds ?

Le timing de la levée de fonds s’impose naturellement et découle de la mise en adéquation de la stratégie de développement de la société (scénarios opérationnels), de la stratégie de financement et de la stratégie actionnariale. Ceci va permettre d’identifier les étapes de création de valeur et ainsi de développer un vrai story telling.

Anticiper le timing des opérations préalables et l’entrée de l’investisseur

Une opération de levée de fonds requiert le plus souvent la réalisation d’opérations préalables qui doivent être anticipées afin de garantir la tenue du calendrier.

Il est fréquent que des opérations de réorganisation aient à être réalisées en amont des discussions avec un investisseur – transformation de la société en SAS si elle n’a pas été constituée sous cette forme, réorganisation permettant de filialiser certaines activités en vue d’une prise de participation de l’investisseur dans une filiale ou en vue d’une cession ultérieure déjà anticipée, reclassement de titres. D’autres opérations préalables, se rapportant à la documentation relative à la société, sont également nécessaires – travail de présentation et de clarification des éléments financiers, élaboration de la thèse d’investissement. L’ensemble de ces opérations – qui font le plus souvent intervenir des conseils externes, comme des avocats, conseils financiers, commissaires aux comptes, commissaires à la transformation, et nécessitent d’anticiper et de tenir compte des contraintes corporate de la société (consultation des organes compétents pour voter les décisions, respect des délais de convocation, qui peuvent impacter le calendrier) – sont consommatrices de temps ; elles doivent être bien anticipées afin de ne pas décaler le calendrier, au risque de mettre la société en difficulté compte tenu de son niveau de trésorerie.

Enfin, qu’il s’agisse du premier tour d’investissement ou des tours suivants, il est également nécessaire d’anticiper les due diligences qui vont être effectuées par le ou les investisseurs – ce qui implique non seulement de formaliser, dès la création de la société, les éléments relatifs à son activité (e.g., contrats, registres), mais aussi, afin de gagner du temps et de l’énergie, d’être en mesure de réunir rapidement, le moment venu, tous ces éléments, de même que tous documents et informations importantes relatives à la société, à son activité et à ses actifs (brevets, licences). En tout état de cause, la mauvaise tenue de la société ou de la documentation peut affaiblir la position des fondateurs face aux investisseurs, voire faire échouer l’opération.

Nous insistons donc sur l’importance de préparer, avec les différents conseils impliqués, un rétro-planning des opérations (closing memo) permettant aux parties et à leurs conseils de tenir le timing.

2. Timing dans l’appréhension des étapes de développement et des besoins de financement

L’appréhension des étapes de développement et des besoins de financement, ainsi que la valorisation qui en résulte, sont essentielles. La société doit en effet avoir déterminé à l’avance ses étapes de développement, les besoins de financement qui en découlent, la stratégie de ses actionnaires (timing de sortie, options de sortie), bref, sa thèse d’investissement.

S’agissant de la valorisation, elle n’a de véritable sens que si elle est structurée et accompagnée de la mécanique contractuelle définissant les conditions de réalisation (liquidité) de l’investissement. L’investisseur va s’engager sur une valorisation pre-money, mais va également exiger des clauses impactant la répartition de la valeur à la sortie. La valorisation pre-money va de pair avec l’analyse de l’impact de ces clauses sur la valeur restante pour les actionnaires fondateurs.

En clair, pour une valorisation pre-money élevée, l’investisseur aura tendance à chercher à se prémunir contre un scénario négatif de baisse de la valorisation et à motiver les actionnaires fondateurs pour accroître fortement la valorisation. Le mécanisme du ratchet, en particulier, permettra à l’investisseur, à l’occasion d’un nouveau tour de table réalisé sur la base d’une valorisation inférieure, d’ajuster le niveau de sa participation, en recevant un nombre plus important d’actions de la société, rectifiant ainsi la survalorisation de son propre investissement

En revanche, si la valorisation pre-money est moins élevée, située en bas de fourchette, l’investisseur se positionnera sur un scénario moins agressif, et sera moins enclin à négocier de tels mécanismes garantissant la valeur de son investissement.

La valorisation peut également être impactée par l’instauration de milestones. Là encore, il s’agit d’une façon de dé-risquer un dossier et d’aligner les intérêts de la société, des actionnaires fondateurs et des investisseurs.

Il est en effet fréquent que l’investissement se réalise par tranches en fonction d’objectifs à atteindre : le développement du produit / de la technologie va rythmer les financements successifs dans le cadre d’un accord initial. La libération des tranches futures sera conditionnée par la réalisation d’objectifs (milestones). Il est en général prévu, dans un protocole d’investissement, la description du calendrier de développement restant à réaliser, les objectifs à atteindre (e.g., démontrer la validité du concept, obtenir certains résultats spécifiques, entrer dans une nouvelle phase d’essais cliniques, obtenir une autorisation de mise sur le marché ou un marquage CE) et les financements nécessaires. Dans ce cadre, l’investisseur prend un risque mesuré, et en ligne avec le développement de la société.

Il est par exemple souvent prévu, au bénéfice du ou des investisseurs, l’émission d’actions assorties de bons de souscription d’actions (ABSA), permettant auxdits investisseurs d’exercer leurs BSA et de souscrire à un certain nombre d’actions, à un prix déterminé, en fonction de la réalisation d’objectifs fixés entre les parties. Cette technique consistant à octroyer aux investisseurs des droits différés sur le capital a pour conséquence directe de retarder l’effet dilutif pour les fondateurs, qui reçoivent néanmoins des fonds propres en contrepartie de l’émission des ABSA. Ce mécanisme est également et surtout intéressant pour les investisseurs qui conditionnent ainsi leurs financements successifs, via l’exercice des bons et la souscription des actions, à la réalisation de milestones : ce n’est que si certains objectifs sont effectivement atteints que les investisseurs décideront de souscrire aux actions nouvelles – ce qui a pour effet de contraindre les fondateurs à garder le momentum dans le développement du projet et l’atteinte des résultats.

Enfin, il est important de cibler les bons investisseurs. A chaque étape de développement correspond un profil d’investisseurs, capables d’appréhender la société et la maturité (ou la jeunesse) de son développement.

En effet, de nombreuses années peuvent s’écouler entre la preuve de concept et la mise sur le marché d’un candidat médicament ou encore entre la réalisation des premiers essais et l’obtention du marquage CE pour un dispositif médical. A chaque étape du développement du produit correspond un besoin de financement qu’il convient d’anticiper. Qu’il s’agisse de permettre la réalisation d’une étude préclinique ou d’une étude clinique de Phase I, II ou III, ou encore de permettre la commercialisation de produits sur un nouveau marché (par exemple aux Etats-Unis, où les formalités d’obtention des autorisations nécessaires peuvent être longues et couteuses – e.g., 510 (k) clearance, premarket approval (PMA), CPT code), les besoins de financement ne seront pas les mêmes, les fonds d’investissement vers lesquels se tourner pourront être différents et les conditions de l’investissement soulèveront des questions différentes.

Un investisseur habitué à un type de sociétés et à un stade de développement sera mieux à même de les valoriser et de déterminer le potentiel de création de valeur. Au contraire, en cas d’inadéquation, l’investisseur aura tendance à sous-valoriser la société pour limiter son risque.

La valorisation est ainsi, également, une valeur subjective, liée aux conditions de l’investissement et au type d’investisseur.

3. Timing de sortie

Les objectifs de liquidité peuvent diverger entre les investisseurs et les fondateurs – cet élément de timing essentiel doit également être anticipé lorsque l’on envisage les différentes modalités de sortie qui peuvent s’offrir aux actionnaires fondateurs et surtout à l’investisseur (e.g., rachat des titres de l’investisseur, cession de 100% des titres de la société à un industriel, IPO).

Il est à noter que les investisseurs financiers identifient toujours les options de sortie avant d’entrer au capital d’une société, au regard, en particulier, de leur objectif de liquidité optimale sur un horizon fixé. Ils déroulent ainsi la thèse d’investissement, comprennent la prochaine étape de création de valeur et anticipent une réalisation possible de l’investissement (liquidité) à l’issue de cette étape.

Pour maximiser l’attention des investisseurs financiers dans le cadre d’un projet, il est par conséquent nécessaire d’identifier les options de sortie dès la présentation du dossier, et de clarifier la stratégie actionnariale. Cela permettra également d’éviter les malentendus lors de l’exécution du business plan.

Cependant, les investisseurs, s’ils apprécient le fait de pouvoir identifier en amont les options de sortie, restent pragmatiques dans leur approche. Une offre d’achat non sollicitée, sortant du timing anticipé et proposant une valorisation intéressante retiendra toujours l’attention de l’investisseur, et sera immanquablement prise en compte et évaluée avec les actionnaires fondateurs.

La combinaison logique de la stratégie de développement d’une société de biotechnologie, de sa stratégie de financement et de la stratégie actionnariale des fondateurs apparaît comme un facteur clé de la réussite d’une opération de levée de fonds, si elle est bien anticipée.

La présentation, par les fondateurs, des étapes-clés de la création de valeur et de leur enchaînement chronologique renforce la thèse d’investissement auprès des futurs investisseurs. Si la levée de fonds s’impose ainsi d’elle-même, elle nécessite une parfaite préparation tant financière que juridique, et ce dans un timing adéquate.

Time is of the essence…

Pour en savoir plus : http://www.mercure-avocats.com/wp-content/uploads/2015/07/Biotech-Finances-Bien-gérer-le-timing-dune-levée-de-fonds.pdf
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