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La loi Economie Sociale et Solidaire signe la fin de la confidentialité des rémunérations dans les entreprises





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Pour décider, ou non, de faire une offre de reprise dans le cadre prévu par la loi Economie Sociale et Solidaire, un salarié pourra étudier le détail des rémunérations de tous les collaborateurs, sans que le cédant puisse s’opposer à sa demande sous peine d’annulation de la vente…




Le salaire, sujet tabou des français…


Parmi les sujets tabous, celui des salaires est sans doute un des secrets les mieux gardés des français. Ainsi un salarié n'a généralement pas envie que sa rémunération soit connue de ses collègues et les entreprises, conscientes de cet enjeu, respectent généralement la confidentialité de ces informations.


La loi Economie Sociale et Solidaire vient pourtant, par un effet de bord inattendu, de trancher la question en mettant fin à la confidentialité des rémunérations, aujourd'hui appliquée dans les faits bien que non imposée légalement au sein d'une entreprise, pour toutes les sociétés de moins de 250 personnes qui envisageront ou connaitront une opération de reprise. Loin d'être négligeable, cela concernera chaque année plusieurs centaines de milliers de salariés.


Pour comprendre, il suffit d'appréhender l'article 11 de loi Economie Sociale et Solidaire.




Le cédant sera obligé de communiquer toutes les informations demandées par les salariés !


La loi Economie Sociale et Solidaire va en effet dorénavant imposer à un chef d'entreprise qui souhaiterait vendre sa société, un délai de deux mois « afin de permettre à un ou plusieurs salariés de l'entreprise de présenter une offre ». Si le dirigeant contrevenait à cette obligation, la loi prévoit que les salariés puissent demander l'annulation de la vente.



Concrètement, le chef d'entreprise devra donc dans un premier temps informer tous ses salariés de son souhait de céder et de la possibilité pour eux de présenter une offre de reprise.



Puis dans un second temps, il devra leur donner accès à toutes les informations indispensables pour qu'ils puissent se forger une opinion sur la faisabilité d'une telle opération.




En imposant au cédant de « permettre à un ou plusieurs salariés de l'entreprise de présenter une offre » sous peine d'annulation de la vente, la loi Economie Sociale et Solidaire ne se limite pas à l'obligation d'informer les salariés de l'intention de vendre. Elle impose dans les faits l'obligation encore plus contraignante de communiquer aux salariés toutes les informations indispensables à la formalisation d'une offre de reprise !




Des informations extrêmement confidentielles devront être transmises à tous les salariés


Pour faire une offre de reprise d’une société, un repreneur doit en appréhender le fonctionnement : il doit s’attacher à la fois à comprendre comment l’entreprise génère ses revenus et de quoi se composent ses charges.


Côté revenus, il regarde notamment la répartition du chiffre d'affaires et des différentes marges par métier, par région, par type de client et son évolution dans le temps.


Par conséquent, suite au vote de la loi Economie Sociale et Solidaire, ces informations, aussi confidentielles soient-elles, devront dorénavant être transmises à tout salarié qui en fera la demande, quand bien même il serait en CDD ou en préavis après avoir démissionné pour rejoindre une société concurrente.




L'analyse de la masse salariale et un pré-audit social sont nécessaires avant d'envisager une offre de reprise


Côté charges, l'analyse de la masse salariale est primordiale quand on sait que les salaires représentent généralement un des tous premiers postes de coûts pour une entreprise.


Outre l'étude du périmètre concerné - contrats en CDD ou interim, départs éventuels à la retraite, collaborateurs en préavis, recrutements envisagés, saisonnalité de l'activité,… - , un point clé est souvent de comprendre l'impact des rémunérations variables sur la masse salariale, notamment en fonction du développement de l'activité.


Tous ces éléments permettent, entre autres, d'obtenir des prévisions financières fiables pour modéliser ensuite le business plan de la reprise.


Ce « pré-audit » à la fois financier et social permet également d'apprécier la conformité de l'entreprise au droit du travail. Sans être exhaustif à ce stade, cet audit préalable doit néanmoins identifier les zones de risques, comme le non-respect de l'égalité de traitement entre les salariés par exemple, susceptibles d'impacter négativement un projet de reprise. Un litige aux Prud'hommes peut avoir un impact désastreux tant sur le plan financier qu'au niveau humain.




Un salarié pourra obtenir la rémunération de tous ses collègues sur simple demande


Afin de réaliser ces analyses, même si certaines informations pourront être rendues anonymes - on procède ainsi pour un repreneur externe afin qu'il ne puisse pas débaucher de salariés -, les éléments concernant l'intitulé du poste, le contenu de la fonction et les rémunérations fixes et variables devront donc être transmis à tout salarié qui en fera la demande.


Ainsi dans le cas des TPE et PME concernées par cette loi, l'âge du salarié, son ancienneté, l'intitulé du poste et sa description suffiront largement pour reconnaitre le collaborateur dont il est question.


Bien entendu les salariés seront tenus à un devoir de discrétion vis-à-vis de l'extérieur… Mais en interne, et sur simple demande, il sera maintenant aisé de connaitre la rémunération de tous ses collègues, sans que personne ne puisse s'y opposer.




Mauvais constat, mauvaise réponse,… bonne ou mauvaise surprise ?


Ce changement aussi important qu'inattendu sera-t-il une avancée pour plus de transparence comme l'affirment certains, ou engendrera-t-il au contraire une dégradation du climat social dans les entreprises comme d'autres le prétendent ? Seul l'avenir nous le dira…


Mais ce qui est sûr c’est que cette obligation d'information est basée sur un constat erroné*. En outre, censée initialement aider les sociétés saines qui peinent à trouver un repreneur, elle ne propose finalement que des contraintes à celles sur le point d’être reprises. La liste de ses conséquences non désirées et inopportunes ne peut donc que s'allonger un peu plus chaque jour…




Damien NOEL, associé fondateur de Fusacq.




* : le gouvernement a indiqué - notamment lors des consultations sur le projet de loi et au cours du débat au Sénat - s'être basé sur l'étude BPCE sur la transmission pour affirmer que « 50.000 emplois disparaissent chaque année en France dans des sociétés saines qui ferment faute de repreneur », alors que l'étude en question démontre le contraire, comme son auteur s'en est expliqué.

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